07/05/2012 : « Mali : l’indignation des artistes et intellectuels après les profanations de Tombouctou »
RFI relaie une information très inquiétante : vendredi 3 mai 2012 au matin, le mausolée d’un saint de Tombouctou, Cheikh Sid Mahmoud, a été profané par des islamistes.
« Dans un communiqué, lu samedi à la télévision nationale, signale l’article, le gouvernement de transition a dit avoir « appris avec indignation la profanation d’un mausolée perpétré par des individus sans foi ni loi ». Le gouvernement a condamné « avec la dernière énergie cet acte inqualifiable qui foule au pied les préceptes de l’islam, religion de tolérance, et le respect de la dignité humaine » […]. Dans la classe politique comme chez les intellectuels maliens, au delà de tout clivage et opposition, tout le monde se rejoint pour dénoncer cette ignominie ».
Les mots employés sont on ne peut plus clairs : « acte de barbarie », « ignorance », « intolérance », ces mots « reviennent à chaque fois pour dénoncer ce sacrilège fait à l’identité malienne : samedi, à Bamako, les querelles autour de la transition ont cessé à l’évocation de la profanation du mausolée de Cheikh Sid Mahmoud ».
Cité par la rédaction de RFI, Abdou Sidibé, député de la région de Gao, exprime toute l’ampleur de ce désastre irréparable : « Tombouctou a toujours été un phare. Le nom de Tombouctou est plus connu que le nom « Mali ». Tout le pays est consterné, cela dépasse l’entendement. C’est comme si le ciel tombe sur la tête ».
Autre témoignage et même indignation, celle de Cheikh Oumar Sissoko, cinéaste mais aussi homme politique. Pour lui, cette profanation est le signe suprême de l’intolérance : « Ce mausolée fait partie du patrimoine culturel et spirituel de Tombouctou mais aussi de l’humanité. Engagement avait été pris de ne pas toucher au matériel spirituel, cet engagement est caduc et l’intolérance qui se développe aujourd’hui est une tragédie ».
Le professeur Baba Akib Haïdara, ancien ministre de l’Éducation nationale et ex représentant de l’Unesco au Mali, qui a consacré toute sa vie à la restauration et à l’étude des manuscrits exprime sa douleur face aux évènements du Nord-Mali : « Je souffre et avec moi, tous souffrent de la même façon… On régresse, on régresse, c’est inacceptable… on s’attaque à des valeurs, à des esprits, à ce qu’il y a de profond dans l’âme de Tombouctou… Il faut dire à l’Unesco de mobiliser l’opinion internationale… Ce n’est pas ça l’islam et ça peut devenir une grand catastrophe si on ne fait rien ».
Rappelons que Tombouctou est inscrite depuis 1988 au Patrimoine mondial de l’humanité pour ses trois grandes mosquées, mais surtout ses dizaines de milliers de manuscrits – dont certains datent de l’ère pré-islamique – et qui témoignent de l’âge d’or de ce grand centre intellectuel et religieux au XVIème siècle. est lui aussi choqué. Ce notable, originaire de Tombouctou
Selon Ismaïla Samba Traoré écrivain et éditeur : « Un des premiers actes des forces armées, lorsqu’elles ont investi la ville de Douentza, ça été justement détruire le monument Djina Dogon. On n’est pas dans l’Islam, on est dans la dégradation de toute trace de civilisation et de savoir ».
« Pour certains artistes et intellectuels maliens, la guerre au nord du Mali ne remet pas seulement en cause l’intégrité territoriale, elle touche plus encore à l’âme malienne », conclut l’article de RFI.
D’après un article publié sur le site Web de Radio France Internationale (en lien).
De nombreux articles consacrés aux évènements en cours à Tombouctou ont été publiés depuis début avril :
Hamady Bocoum (Directeur du Patrimoine culturel au Sénégal et de l’Institut Fondamental d’Afrique Noire), avait le premier exprimé ses craintes pour la préservation des ressources culturelles du Nord-Mali (en lien).
Peu de temps après, l’écrivain Alain-Patrice Nganang publiait une tribune : « À Tombouctou, c’est la culture africaine que l’on assassine » (en lien) ;
Irina Bokova (Directrice générale de l’Unesco), lancé à son tour un appel au respect du patrimoine de Tombouctou (en lien) ;
Le 8 avril, plusieurs universitaires africains lançaient à leur tour un appel pour la sauvegarde des livres manuscrits anciens de Tombouctou et du Mali (en lien) ;
Une pétition circule depuis le 9 avril, également à l’initiative de plusieurs universitaires africains, inquiets de la situation politique actuelle au nord du Mali (en lien) ;
Enfin, le 11 avril, l’agence de presse Reuters publiait une dépêche signalant l’organisation en cours pour la préservation du patrimoine (voir notre traduction en lien).
Ce billet est également publié sur le portail Web de la revue Africultures (en lien).