Que de silence sur ce site ! J’ai tellement tardé à y réécrire que j’ai failli en oublier les identifiants de connexion…
Je devrais être désolé et me sentir, sûrement, coupable d’avoir laissé de côté l’actualité du livre en Afrique depuis déjà plusieurs mois. Mais mon excuse pour tout ce dilettantisme numérique, c’est que j’étais en Allemagne. Non pour m’y changer les idées, mais pour y parler d’édition africaine !
Le département de romanistique de l’Université de Mannheim m’a proposé de bâtir un séminaire de littérature de 28 heures, me laissant tout à fait libre d’y développer les questions éditoriales qui me sont si précieuses.
Alors, voilà, j’ai été embarqué dans une nouvelle aventure où il s’agissait non pas de porter mon sujet sur papier ou bien sur écran, mais d’arriver cette fois à le transmettre de la manière la plus convaincante possible à un public novice de ces questions là.
Vingt-huit heures c’est court. Il y a tant à dire sur un sujet aussi peu exploité.
Alors, il a fallu choisir une fenêtre d’entrée permettant à la fois l’initiation à quelque chose de nouveau pour les étudiants – petit effectif parfaitement francophone -, tout en laissant une marge pour pousser la réflexion un peu plus loin qu’un bête « résumé de ma thèse ». Il fallait aussi rendre tout ça intéressant, attractif. Pas évident quand l’on part d’un thème qui n’est jamais enseigné et où l’on s’appuie sur les bases d’une réflexion encore tout à fait récente…
J’ai donc fait de mon mieux et mis toute mon énergie dans ces trois semaines qui étaient très importantes pour moi. Et j’espère que les étudiants auront le sentiment d’avoir appris quelque chose de « différent » sans pour autant être « exotique ».
Car l’enjeu de ce séminaire était très simple, finalement. Il s’agissait de monter une autre image du livre africain. Une image plus proche de nous, plus « normale ». Plus « contemporaine ». Que l’on soit à Mannheim, à Lyon ou à Yaoundé, nous appartenons tous à une même communauté. La plus belle et la plus grande. Celle qui lit.
Il s’agissait donc, tout simplement, de dire et d’expliquer à un public jeune, mais qui porte tout l’avenir en lui, que nous avons une responsabilité vis à vis de l’édition africaine. Qu’il faut, tout simplement, ne pas ignorer celle-ci, et ne jamais oublier cela. Car nous lui devons beaucoup, à cette édition, et avons beaucoup de choses à en apprendre.
Les livres sont autant de portes d’entrées vers une meilleure connaissance du monde. À travers cette connaissance, c’est l’horizon qui s’élargit. Les préjugés s’estompent. Les peuples se rapprochent. Les gens se respectent.
En guise de dernier mot, et alors que le Burkina Faso connait une période de changement cruciale dans son histoire, je repense à cette belle cérémonie à laquelle j’ai eu la chance d’assister en 2013 à Ouagadougou. Il s’agissait du lancement de la réédition [africaine] de l’ouvrage À quand l’Afrique ? de Joseph Ki-Zerbo. J’ai alors pu mesurer l’émotion et l’importance de cette édition dans le pays natal du grand historien burkinabè. Comme un patrimoine qui retrouvait alors sa place la plus légitime.
J’aime particulièrement une phrase de cet ouvrage :
La personnalité africaine contient beaucoup plus que les performances de la croissance économique : il y a les langues africaines à promouvoir, l’histoire à recouvrer, l’environnement à sauver, notre image dans le monde à soigner et à restaurer.
Le monde est trop immense, trop riche, trop plein de beauté culturelle pour que nous passions notre temps à en offrir une image biaisée et réductrice. Les livres sont les meilleurs médiums pour recouvrer une histoire qui n’est pas seulement africaine, mais également universelle.
Raphaël Thierry
Ce petit texte est dédicacé à Moïse Gomis, pour chacun de ses encouragements à poursuivre le chemin.
Dire que je me sens proche de Raphaël Thierry dans sa façon d’envisager la place de l’édition africaine est un euphémisme…
Merci Raphaël pour l’exigence intellectuelle avec laquelle tu avances depuis toutes ces années. Il est certain que ce premier séminaire sera suivi de bien d’autres étapes, toutes aussi passionnantes. A très bientôt à Dakar pour les réunions qui, fin novembre, nous permettront d’évoquer le développement du volet « diffusion et promotion » qui se doit d’accompagner le travail des éditeurs.
Isabelle Grémillet (L’Oiseau Indigo diffusion)
Bonjour,
félicitations, aussi bien pour ce séminaire dispensé à de jeunes Allemands – je devrais dire Européens – que pour tes réflexions. Oui, l’édition africaine a besoin d’être connue, ses éditeurs, mais aussi et surtout ses écrivains « locaux », dont un nombre croissant « renonce consciemment », dans le choix de ses thèmes, à la prétention « mondialiste » et s’adresse (à nouveau?) au public médiat, local.
Dans cette dynamique, les langues africaines ont de beaux jours devant eux.
Merci encore à toi.
JC
—————————L A – C O O P E R A T I O N ? La magie comme les formes totalement rayonnantes de cet aspect qui unit les êtres . Font de ce noble acte de partage qu’est le Bilatéralisme , l’une des formes qui constituent la sacro-sainte sphère du dialogue des cultures….. un des phares parmi les plus élevés ou gravitent tous les aspects d’humilité et de paix symbiotiques . Dont ! partout au delà des océans et des mers les peuples en sont si conscients . Bravo Professeur ! et merci de votre si grand courage !
En plus de relais forts, nécessaires en Afrique comme dans les pays du Nord, la littérature africaine a besoin de gens qui y croient fort, avec un engagement réaliste ici et là bas.Tu es de ces relais car le défi à relever, c’est celui de notre humanité en partage, dans la reconnaissance et le respect réciproques. Les écrivains le disent avec des mots et ces mots, dans quelque langues qu’ils soient dits sont à porter loin. Ta créativité est stimulante et est à suivre. Courage Raphaël pour les sillons que tu creuses avec un enthousiasme si fécond!
Agnès