Illustration : « SMA Weekend », Carl Campbell, 2015 (certains droits réservés)
Par Raphaël Thierry
Il y a dix ans, je lançais l’aventure EditAfrica. Voici 10 ans que j’ai lancé EditAfrica. EditAfrica a 10 ans…
J’aurais pu commencer ce billet de différentes manières pour exprimer une seule chose au final : ma fierté. Les raisons qui animent une aventure peuvent être variées, mais je me souviens des paroles de la libraire marseillaise Molly Fournel, alors que je lui disais ma surprise de croiser et recroiser le chemin de différentes personnes au fil de mon parcours : éditeurs, libraires, écrivains…
« C’est parce que ton parcours est cohérent ».
Merci à elle d’avoir eu ces paroles. Je ne suis pas sûr qu’elle ait su à quel point ces petits mots ont compté. Nous étions en 2009. La cohérence, c’est sans doute le principe qui m’a le plus souvent remis sur le chemin, et qui au final sous-tend l’aventure EditAfrica depuis dix années.
Deux autres personnes clef s’inscrivent dans cette démarche et cette aspiration. Joseph Fumtim et Hans Zell.
Le premier, je l’ai rencontré à Marseille en 2006. Je souhaitais déjà aller découvrir l’édition sur le continent, et le continent est alors devenu « le Cameroun », et le Cameroun deviendra bientôt Yaoundé, Bafoussam, Limbe, Buea, Douala, Bamenda. Eh bien Joseph, le grand frère Joseph, il ne le sait pas, mais c’est avant tout un petit mot, suivi d’un silence, qui m’a décidé à aller plus loin. Il m’a dit : « si tu veux connaitre l’édition en Afrique, il te faut venir la voir sur place ». Et ensuite, parce que réunir les fonds et les conditions pour réaliser un stage au Cameroun m’ont pris plus d’une année, Joseph a simplement attendu de voir. Il a eu raison. Et lorsque je suis arrivé à Yaoundé, il est le premier éditeur qui est venu me souhaiter la bienvenue, et nous sommes allés déjeuner ensemble. Je crois que je lui ai alors prouvé que mon enthousiasme était cohérent. Et nous n’avons jamais perdu le contact. Joseph, mon ami, c’est toi qui m’as donné l’envie de découvrir « de mes vrais yeux » et de continuer à parler du livre au Cameroun, parce que tu m’en as montré la richesse et as souligné l’importance de joindre l’acte à la parole.
Hans Zell, c’est un peu la même histoire, bien que différente. En 2008, alors que j’amorce ma thèse de doctorat, je lui écris sur le conseil de son vieil ami, feu Alain Ricard. Alain me dit que je peux lui écrire en français, et le retour de Hans est rapide, en anglais, et assez formel : il me dit en somme qu’il ne reçoit plus beaucoup de visites et me renvoie vers sa documentation accessible et encyclopédique. Quelques années plus tard, alors que je m’abonne à sa base de données « Books & Reading in Sub-Saharan Africa », il m’explique que je suis à ce jour la seule personne en France à avoir souscrit à un abonnement. Et au fil des années, nous échangeons -cette fois en anglais- encore et encore. Un jour, nous écrirons un article ensemble. Et je lui dédicacerai enfin mon propre ouvrage. Hans ne le sait pas, mais si je n’avais pas su l’ampleur de son travail de documentation sur le livre en Afrique -entreprise démarrée en 1972 à Ife au Nigéria- sans jamais discontinuer, avec une forme de cohérence limpide, innovant jusqu’à son propre format pour le rendre accessible, je n’aurais jamais amorcé EditAfrica. Richard Crabbe m’a un jour dit lors d’une discussion à Nairobi que Hans, a lui seul, avait maintenu « un discours sur le livre en Afrique ». C’est vrai.
Alors, EditAfrica qui célèbre ses 10 ans, c’est avant tout un merci. Un merci tout d’abord à Hans Zell, à Joseph Fumtim, à Molly Fournel, et puis ensuite à ceux et celles qui m’ont poussé à y aller, ou fait bon accueil quand j’y étais : mes parents, ma compagne, mes enseignants, Pauline de Bary, le regretté François Guiyoba, Pierre Halen, Nadine Monchau, Eva Chanet, Ferdinand Tchoutouo, Guillaume Le Touze, Laurence Renucci, Joelle Gleize, le regretté Wakeu Fogaing, Pierre Myszkowski, Mamadou Aliou Sow, Laurence Hugues, Kouam Tawa, Stéphane Marill, la regrettée Viviana Quiñones, Kidi Bebey, tant d’autres auxquels je pense aussi…
Et lorsque je regarde EditAfrica aujourd’hui, je vois ce projet comme une aventure collective que j’ai souhaité maintenir avec sens et autant de constance que possible, depuis 10 ans. Ce site n’héberge plus mes doutes, mais ma confiance dans une époque où tout est parfois fragile et volatile. EditAfrica n’est ainsi pas devenu une charge mais une partie d’un ensemble, une composition en patchwork, une contribution, une continuité. Je le crois, oui, une cohérence.
Raphaël
ps : Ce billet d’anniversaire, qui souhaitait marquer le coup, sera complété dans les prochains jours.
Tu as bien fait, Raphaël ! Bon anniversaire à cette riche initiative.