Illustration : « Beginnings », Thomas Hawk, 2006 (certains droits réservés)
Par Raphaël Thierry
Ah, il est je crois grand temps de revenir…
Il s’en est à vrai dire fallu de peu pour que je ne perde même les identifiants d’accès au backoffice de ce site internet. Près de deux années de parenthèse sur EditAfrica. Le temps d’un souffle dans la vie d’un arbre dirons-nous.
EditAfrica, qui fêtera ses dix ans en septembre prochain, a connu son plus long coup d’arrêt. Il me semblait donc important d’expliquer la raison du silence, ne serait-ce que par souhait de transparence.
EditAfrica, c’est mon site internet. C’est un peu moi aussi. Un projet né à l’ombre des montagnes du haut Var, dans un champ d’été au début des années 2010, alors que je revenais du Cameroun. Une autre époque qui parait aujourd’hui loin. Et comme ce projet c’est finalement « moi », et bien il est tributaire de ma vie.
Pourquoi tant de silence, alors même que le site venait de prendre voix avec les Sessions EditAfrica ? Eh bien pour différentes raisons.
Une transition déjà : j’ai quitté mon emploi d’enseignant-chercheur à l’université de Mannheim en janvier 2018. Une belle expérience qui m’aura apporté tant sur le plan humain et intellectuel. L’opportunité d’achever, certes dans un entre-deux, la rédaction de plusieurs articles et ouvrages importants pour moi. L’occasion aussi d’expérimenter le montage d’un projet durant la foire du livre de Francfort. Sacrée expérience, éreintante, mais heureuse. Un moment ensuite où je me suis projeté dans l’institutionnel avec un rapport, puis un autre, le tout ayant finalement duré plus d’une année. Me voici ensuite invité à Nairobi par l’International Publishers Association. Autre monde dont j’ai témoigné dans la dernière des sessions EditAfrica (à ce jour).
Et puis cette transition, liée au silence sur ce site. C’est certainement un des moments les plus importants de ma carrière. Alors que nous échangeons depuis plusieurs années et une rencontre à Dakar, Pierre Astier et Laure Pécher me font l’honneur de me proposer de collaborer au développement d’un bureau Afrique au sein de l’Agence littéraire Astier-Pécher. Me voici donc devenu agent littéraire sur la pointe des pieds et dans un nouveau monde dont j’ignorais jusqu’alors à peu près tout, et qui ouvre vers de nouveaux horizons assez insoupçonnés. Tout à apprendre à nouveau !
C’était un pari. L’idée d’explorer une partie du spectre de l’édition qui m’échappait jusqu’alors totalement. La première année aura été pleine de questions. C’est un travail qui met du temps à se mettre sur pieds, et où les relations que l’on construit -dans le temps- comptent pour beaucoup. Des échanges avec les écrivains autour de leurs textes, de leurs souhaits et de leurs rêves, des échanges avec les éditeurs concernant les manuscrits à publier, à traduire ou à promouvoir, des aspects juridiques si essentiels et dont on parle finalement très peu lorsqu’il est question de « champ littéraire », tout ceci a représenté un bel apprentissage, en particulier lorsque survient un lockdown et une crise sanitaire qui devait chambouler l’industrie du livre, et secouer la planète. Tant de vies bouleversées, qui me font mesurer la chance que j’ai de passer entre les gouttes.
Je perds également mon bien aimé professeur et directeur de thèse François Guiyoba. Il m’aura fallu quelques temps pour digérer la nouvelle et le fait que je n’aurai pas l’opportunité de le retrouver à Yaoundé. C’est ainsi que va la vie, avec ses difficultés et sa fragilité. Il faut continuer à avancer, garder la tête haute. « Chin up », comme le dit mon ami Hans Zell.
Une relocalisation et un changement de pays plus tard, me voici qui fais le bilan après deux années d’agence, et j’accepte enfin de laisser le monde de la recherche derrière moi, au moins pour le moment, car j’ai désormais la conviction qu’un agent littéraire peut apporter sa contribution à ces questions éditoriales, au marché du livre en Afrique et à sa meilleure représentation internationale. Une dizaine d’ouvrages parus ou en projet sur le continent, dont certains ne seraient probablement pas allés jusqu’aux lecteurs africains si publiés ailleurs, oui, je crois que cela vaut largement la peine de considérer cette perspective à long terme. Alors me voici agent littéraire.
Et il est temps pour EditAfrica de retrouver le cours de l’eau. Car les rivières ne s’arrêtent jamais de couler.
A bientôt.
Raphaël Thierry
ps : je voudrais ici aussi exprimer ma solidarité au peuple haïtien qui traverse des circonstances tragiques.
Heureuse de ton retour ici, Raphaël ! Cette plate-forme a beaucoup à apporter. Kidi