La prise des villes du Nord-Mali menace le patrimoine de Tombouctou

04/03/2012 : « Les manuscrits de Tombouctou en danger ? »

La prise des villes du Nord par la rébellion touareg, qui fait suite au coup d’État malien, provoque de grandes inquiétudes liées à la préservation du patrimoine des villes de Gao et Tombouctou, classées dans le patrimoine mondial de l’Unesco.

Le professeur Hamady Bocoum, Directeur du Patrimoine culturel au Sénégal et de l’Institut Fondamental d’Afrique Noire (IFAN), tire la sonnette d’alarme, dans un entretien avec Seydou Ka (publié sur le portail Web Afrique en ligne) : « Il y a des risques sérieux sur les manuscrits de Tombouctou ». Ce dernier redoute notamment « un pillage des manuscrits historiques conservés dans ces villes ».

Pour M. Hamady Bocoum, les évènements du Nord Mali constituent « aussi un drame sur le plan historique, parce que nous avons, dans cette zone, les témoins les plus intéressants de notre histoire ancienne et même récente ».

Le risque est multiple : du « point de vue patrimonial, ce sont deux sites du patrimoine mondial de l’Unesco (Gao et Tombouctou) qui sont prises par la rébellion. Cela ne manquera pas de poser des problèmes, y compris au sein du comité du patrimoine mondial où siègent le Mali et le Sénégal (pour la région Afrique de l’Ouest). Les sites de Gao (tombeau des Askia) et la ville de Tombouctou sont inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco à la demande de l’Etat malien qui en est le garant et doit, en principe, rendre compte de l’état de conservation de ces sites au comité du patrimoine mondial. Si la situation actuelle se poursuit, il est évident que l’Etat malien ne sera pas en mesure de dresser un état de conservation de ces deux sites et cela peut conduire à une mise en péril ».

Un péril tout d’abord physique : « s’il y a des combats, il y aura nécessairement des destructions […]. [P]eut-être qu’il n’y a pas eu trop de dégâts physiques. Mais, si jamais il devait y avoir une reconquête, on peut s’attendre à ce que ces villes deviennent des boucliers au sens patrimonial du terme ».

Par ailleurs, le chercheur pointe du doigt « des risques plus insidieux, mais plus sérieux, c’est-à-dire culturels et scientifiques. Des manuscrits uniques sont conservés depuis plusieurs siècles dans ces villes. Aussi bien à Tombouctou, ville savante, ville des 333 saints, où pratiquement chaque concession est un patrimoine, une bibliothèque, qu’à Gao. On sait les trafics extrêmement dangereux qu’il y a autour des manuscrits. On peut, effectivement, craindre que ce trafic ne se développe. On peut aussi redouter que des destructions concernent ou portent sur des lieux de dépôts par les nouveaux arrivants ».

La situation menace directement l’actuel projet de bibliothèque financé par l’Afrique du Sud et qui « devrait permettre de conserver ces fonds et d’initier la population à la conservation des manuscrits, les encourager à déposer leurs manuscrits ou, pour le moins, à les signaler pour que les services compétents puissent travailler à leur restauration et aider, ainsi, à créer les conditions d’une bonne conservation ».

« Nous avons, à Tombouctou, un conservateur extrêmement compétent qui siège au comité du patrimoine mondial. Je pense qu’il doit être en très grande détresse. Je pense qu’il y a des risques sérieux sur ces manuscrits », poursuit-il.

Parmi les précieuses collections préservées à Tombouctou, rappelle le professeur Bocoum, il y a le Tarikh el Fatah, « document essentiel [qui] y a été initié », mais aussi des documents de différents domaines scientifiques : « Ces manuscrits parlent de tout : de l’histoire, de l’astronomie, de la généalogie, de l’anatomie humaine ».

Ces documents produits par des « centres extrêmement actifs en terme de réflexion sur l’homme, la nature, l’environnement, la religion » constituent des pièces « scientifiques au sens premier du terme […] trai[ant] de la science et des domaines de la nature ».

H. Bocoum insiste : « il faudra envisager cela de manière très sérieuse et anticiper les dégâts que cela devrait occasionner si ces villes devenaient des enjeux militaires ». Et d’en référer à l’Unesco, qui et selon lui « interpellé à partir du moment où l’Etat malien n’est plus présente dans ces villes. Il faut qu’on envoie des experts qui doivent entrer en contact avec les conservateurs des sites pour faire l’état des lieux et prendre les mesures conservatoires ».

D’après un article de Seydou Ka publié sur le portail Web Afrique en ligne.

Pour complément d’information, nous recommandons la lecture de l’article de Jean-Michel Djian « Les manuscrits trouvés à Tombouctou » publié dans Le Monde Diplomatique en août 2004 (en lien).

Christelle Marot a aussi publié une très intéressante étude consacrée à « La sauvegarde des manuscrits de Tombouctou », en avril 2006. L’article est disponible sur le portail Web de la revue Africultures (en lien).

Notre billet est publié sur le portail Web de la revue Africultures (en lien).

 

One Reply to “La prise des villes du Nord-Mali menace le patrimoine de Tombouctou”

  1. […] culturel au Sénégal et de l’Institut Fondamental d’Afrique Noire), avait, le premier, exprimé ses craintes pour la préservation des ressources culturelles du Nord-Mali (en […]

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