Illustration : « FAQ ». Crédits : Dennis Skley, 2014 (certains droits réservés.)
L’édition africaine reste, curieusement, un sujet qui suscite bien des questionnements généraux, parfois naïfs. Jamais inutiles cependant, si l’on prend un peu le temps d’y réfléchir. Après tout, ne devrions-nous pas déjà oublier le terme « d’édition africaine » mais plutôt parler « d’édition camerounaise », « édition nigériane », « édition algérienne », etc. ? Alors que la foire du livre de Francfort s’ouvre aujourd’hui même, laissant les éditeurs africains dans l’ombre de la littérature francophone publiée en France, j’ai pensé qu’il pourrait être intéressant de proposer une forme de Foire Aux Questions et de tenter d’y apporter des éléments de réponse, du moins à la hauteur de mon point de vue. Cette FAQ sera publiée en série sur EditAfrica. Voici la première touche.
Question : quelle est la situation du livre en Afrique ?
C’est une question très vaste, et je n’oserai pas y répondre de manière générale. Les situations diffèrent énormément d’un pays à l’autre et entre les différentes régions linguistiques (swahili, yoruba, francophone, anglophone, lusophone…). Souvenons-nous simplement que le continent africain rassemble un quart des pays de la planète : ceci donne une échelle. Je pourrais toutefois évoquer quelques éléments qui me semblent aujourd’hui très intéressants. Alors que l’édition continentale a été assez peu visible hors du continent entre les années 80 et 90, on observe depuis une vingtaine d’années un essor constant de la diffusion d’éditeurs africains et une présence croissante de leurs catalogues lors d’évènements internationaux du livre (Salon du livre de Casablanca, Sharjah, Paris, Genève, Bologne, Francfort). Des pays comme la Côte d’Ivoire développent des politiques du livre tout à fait dynamiques, lorsque d’autres états investissent beaucoup moins dans le soutien aux opérateurs du livre. Mais les choses pourraient changer rapidement, au gré de l’engagement d’un directeur du bureau du livre, d’une politique culturelle, ou encore d’un évènement fédérateur, à l’image de la capitale mondiale du livre de l’Unesco (Conakry, depuis avril 2017), ou du Maroc qui était invité d’honneur au Salon du livre de Paris 2017, et bien sûr de la Foire du livre de Francfort 2017 qui aurait pu (hélas !) accorder une bien meilleure place à l’édition francophone, au lieu de faire la part belle à l’édition française.
En règle générale, je constate que des éditeurs africains cherchent à inscrire leurs activités au delà de l’ancien paradigme des frontières pour développer une circulation à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace africain, à travers de nouvelles interfaces de diffusion, et bien entendu le numérique.
J’essaie ici de souligner des évolutions positives qui concernent l’industrie africaine du livre. Les problèmes sont bien entendu nombreux et on en fait depuis longtemps le catalogue (avec, sans doute, un peu trop d’entêtement d’ailleurs : l’édition africaine ne se résume pas à ses difficultés) : entre la captation des marchés scolaires par l’édition du Nord, l’inconstance des politiques du livre ou encore la pression économique indirecte exercée par des opérations de don de livre « aveugles », la grande faiblesse des cessions de droits (rééditions et surtout traductions).
Mais voilà, tout dépend du point de vue : un regard extérieur (européen) sur le marché du livre en Afrique ne pourra s’empêcher de faire le constat des déséquilibres entre édition africaine et édition du Nord, lorsque de nombreux opérateurs sur le continent ne se posent simplement pas la question et travaillent à développer leurs projets et expérimenter de nouvelles voies intellectuelles et commerciales. Pour synthétiser, je dirai qu’il y a deux facettes : l’édition africaine perçue par le Nord et l’édition africaine telle qu’elle se développe depuis au moins six décennies à travers le continent : pensons aux Indaba au Zimbabwe, au CREPLA du Cameroun, au CAFED de Tunis, à la Foire du livre du Caire ou encore aux éditions Clé du Cameroun. La liste est longue.