Bibliothèques
– Traditionnellement, les bibliothèques publiques et universitaires ne travaillent pas directement avec les éditeurs mais par l’intermédiaire de fournisseurs déposant leur candidature à une procédure d’appel d’offre.
Cependant, au Cameroun, plusieurs éléments modifient le rapport des bibliothèques à l’édition locale :
– Au niveau de l’information, un des problèmes que rencontrent les bibliothécaires vis-à-vis des éditeurs est celui du manque d’information et de communication sur leurs nouveautés. les éditeurs doivent diffuser et distribuer eux même leurs ouvrages, en plus d’en assurer la promotion. Ceci explique la faible présence d’un éditeur en dehors de la ville même où ce dernier officie. L’information se fait le plus souvent à travers le rapport de proximité, pour différentes raisons plus ou moins évidentes : faibles moyens, maigre utilisation des outils de communication. Un éditeur pourra, par exemple, distribuer des tracts pour une dédicace dans sa ville, mais lorsqu’il est question d’avertir un bibliothécaire dans une autre province, c’est un véritable problème. Il n’est donc pas rare que des bibliothèques n’aient pas les ouvrages publiés au Cameroun, et pour cause, ils ne sont pas mis au courant de la dédicace.
– Lorsque les bibliothèques qui ont un relatif budget d’acquisition souhaitent se fournir en nouveautés, les acquéreurs consultent les bases de données au Cameroun, en France, à l’étranger : les livres publiés, les sorties, les catalogues sur lesquels on trouvera des ouvrages qui traitent de domaines qui peuvent intégrer la politique documentaire de l’établissement. Mais quand les ouvrages n’apparaissent pas dans ces bases de données, c’est alors comme si ces livres n’existaient pas.
Le réseau de lecture publique
– A travers deux conventions de partenariat (1987 et 1993), la coopération franco-camerounaise a mis en place un réseau de lecture publique dirigé par une bibliothèque pilote : la Centrale de Lecture Publique. Ce projet ambitieux entendait alors bâtir des bibliothèques pilotes provinciales ainsi que tout un réseau de bibliothèque municipales à travers le pays en suivant le modèle français des Bibliothèque départementales de prêt. Les fruits de ce projet laissent pour le moins dubitatifs : d’une part nous trouvons un réseau en jachère, sans aucun moyen financier, et dont quelques sites encore survivants parviennent à maintenir une activité très limitée (la Centrale de Lecture Publique, la bibliothèque pilote provinciale de N’gaoundéré, la bibliothèque pilote provincialede Limbé, la bibliothèque municipale de Douala II), et d’autre part un ex partenaire français à qui l’implication dans la mise en place du réseau pendant plus de dix années laisse un goût amer. Nous pouvons alors dire, et à moins d’une hypothétique reprise en main du réseau par le ministère de la culture camerounais, que la lecture publique existe plutôt dans une autre sphère, privée.
La Lecture « Privée »
– Aujourd’hui, de ci de là, on peut relever l’apparition de bibliothèques privées et d’associations engagées dans l’animation et la promotion du livre au Cameroun. Fruits de l’investissement d’ONG, d’associations locales ou étrangères, de fondations et parfois d’opérateurs privés. Ces bibliothèques rencontrent de nombreuses difficultés, surtout au niveau financier (le secteur de la bibliothèque étant, par définition, déficitaire). La présence de ces structures qui fonctionnent le plus souvent sur le principe des dons et des partenariats témoigne d’une volonté de maintenir l’existence du livre là où il semblait n’avoir que peu ou prou de place : association Awocamford, compagnie Feugham, Association Livre ouvert, Doual’Art, le CLAC, La Maison des Savoirs, la Ronde des Poètes, la Fondation Paul Ango Ela, La bibliothèque « les Lucioles »… : de Douala à Yaoundé, en passant par Bafoussam et Bandjoun, des structures viennent installer le livre, la culture dans les lieux jusqu’alors « laissés pour compte ». La démocratisation de la culture et du savoir en son sens le plus strict est contenue dans de telles initiatives qui permettent l’accès au livre à des populations qui n’ont pas un accès évident à des établissements symboliquement moins accessibles comme le Centre Culturel Français ou le British Council. Il est par ailleurs déplorable que leur reconnaissance, sinon leur existence soit encore subordonnée à un système de relations personnelles, de soutiens parfois éphémères, et qu’elles n’aient encore aucune représentativité, reconnaissance, au niveau des collectivités locales ou territoriales camerounaises.
Les bibliothèques scolaires
– Chaque établissement est supposé avoir une bibliothèque scolaire et, dans son budget, une fraction sensée servir à équiper la bibliothèque. Mais cette fraction est tellement infime dans le secteur publique que la plupart du temps elle ne permet pas à la bibliothèque de s’abonner aux journaux de la place, ce qui fait que les bibliothèques ne sont qu’exceptionnellement, sinon jamais, approvisionnées. Conséquence directe : les élèves ne s’y rendent pas, faute d’y voir un point attractif de l’établissement. Il faut par ailleurs signaler qu’il ne suffit pas de mettre des livres dans les établissements, alors que les enseignants eux-même ne se rendent pas à la bibliothèque…
Les bibliothèques universitaires
– Les bibliothèques universitaires sont pour le moment en chantier ; elles proposent encore un accès aux catalogues à partir du traditionnel système des fiches. Des procédures de rétro-conversion sont cependant en cours dans certains établissements comme la bibliothèque universitaire de Buea.
– Le problème des acquisitions se pose fortement au niveau des BU : les budgets alloués par l’académie ne permettent par toujours une politique d’acquisition efficace. Les bibliothèques ne sont pas autonomes et dépendent d’aides et de dons souvent très sporadiques. La bibliothèque universitaire de Buea bénéficie ainsi de l’aide de la coopération française, de l’Ambassade des États-Unis, du British Council et d’autres partenaires à l’étranger tels que l’université du Maryland aux USA ou l’université de Menheim en Allemagne.
– Toujours à Buea au Sud-Ouest, en ce qui concerne la présence d’une l’édition camerounaise en bibliothèque, les responsables de collections rencontrent des difficultés liées à la nature même de l’édition locale, en effet, la plupart des éditeurs du Sud-Ouest (Cosmos, Macmillan, Cambridge, Anucam) concentrent leurs productions sur les études primaires et secondaires et atteignent très rarement le stade supérieur. Les contacts des bibliothécaires avec l’édition universitaire francophone (PUY, PUCAC, AES) sont pour leurs parts assez rares.
L’animation culturelle
L’animation en bibliothèque
– L’animation en bibliothèque est un point essentiel mais peu développé encore au Cameroun : la bibliothèque pilote provinciale de Bafoussam construite dans le cadre du projet de lecture publique franco-camerounais constitue un très bon exemple. En effet, la direction de la bibliothèque organisait au milieu des années 1990 en partenariat avec une compagnie de théâtre des lectures et des représentations théâtrales. Progressivement, les gens se rendaient dans l’établissement et à partir des années 1994-1995, cette activité permettait à la bibliothèque d’avoir une véritable vie culturelle et de susciter un véritable engouement de la population. Cependant, suite au décès du premier bibliothécaire, les manifestations ont peu à peu diminué, jusqu’à cesser complètement. Le fond documentaire n’a jamais été renouvelé depuis 1991, les livres ont vieilli, se sont abimés, et les usagers ont peu à peu déserté les rayons. Aujourd’hui la bibliothèque existe toujours, son fond initial de 5000 ouvrages est passé à 4500. Lorsque, durant notre passage à Bafoussam nous avons demandé à des passants s’ils savaient où se trouvait la bibliothèque provinciale, pourtant située dans la rue voisine, personne ne savait nous le chemin. En déshérence, quasiment oublié, l’établissement est pourtant toujours là. Un métier comme celui de bibliothécaire exige d’être un relai entre le public et le livre et simplement d’aimer le livre et la lecture. La présence des livres ne suffit pas. La réalité est que la plupart des gens voient aujourd’hui la bibliothèque comme un musée, sinon un espace détaché de leurs réalités et de leurs intérêts quotidiens.
La bibliothèque est pourtant un lieu où l’on doit redonner vie aux livres en suscitant chez les personnes qui viennent le désir de lire : lectures, conférences, sont des moyens de créer une proximité entre le lecteur potentiel et le livre, mais aussi d’établir un lien avec sphères intellectuelles et sphères populaires. L’implantation de bibliothèques adaptées dans les zones périphériques et populaires, à l’exemple de la Maison des Savoirs, du CLAC, de la bibliothèque « les Lucioles » à Yaoundé est édifiant : le CLAC organisait il y a peu une journée consacrée à l’œuvre du cinéaste Bassek Ba Kobhio, la MDS, en partenariat avec La Ronde des Poètes, un après midi en hommage au poète Samuel Martin Eno Belinga, la bibliothèque « Les Lucioles » des lectures et contes chaque semaine pour les enfants. Faites disparaitre ces structures des quartiers que sont par exemple Mimboman et Etoudi : quel accès restera-t-il alors aux populations locales en ce qui concerne le livre, la culture ?
L’animation en bibliothèque suppose aussi que l’on aille vers les populations pour leur parler des livres, qu’on amène les livres vers ces populations, et qu’on amène ensuite ces populations à venir vers les livres, vers les espaces qui leur sont initialement dédiés. L’informel, le porte à porte, les lieux publics que peuvent être les marchés, les bars, les hôtels, les aéroports sont autant de lieux qui peuvent donner une visibilité au livre, à sa lecture, à sa promotion, et les volontés, les expériences fructueuses ne manquent pas. Lecture, conte, théâtre, sont autant de moyens de rendre le livre plus « directement » aux populations.
L’exemple de l’association Feugham à Bafoussam est particulièrement intéressant : ayant acheté une Renault 4L, leur objectif est de se rendre dans les quartiers populaires de Bafoussam, et dans les villages environnants pour apporter de la lecture aux jeunes, là où ils se trouvent. Pour chacun des 2000 livres qui seront mis à la disposition du public, une petite note de lecture, sera réalisée. Nous pouvons aussi citer l’association Livre Ouvert à Douala qui organise fréquemment des lectures en plein cœur du grand marché Mboppi.
Imaginer des rapports entre ces différents opérateurs peut être intéressant : une bibliothèque fourni les livres à une association « ambulante », cette dernière, à travers la promotion du livre peut amener les personnes rencontrées à (re)trouver le chemin de la bibliothèque, c’est à la fois une manière de désacraliser le livre, mais aussi de donner un souffle nouveau à des structures documentaires souvent exposées au problème de la fréquentation et de la visibilité de leurs fonds.
Les journées « portes ouvertes »
– A titre d’exemple, des journées portes ouvertes dans les BU, à Douala I par exemple sous l’égide de Madame Moukoko, la responsable de l’établissement, sont organisées, avec l’aide des enseignants, pour sensibiliser les étudiants.
Concours de Lecture
– Un enseignant, nous a évoqué une expérience qu’il avait menée avec succès il y a plusieurs années, quand ses moyens le lui permettaient : il organisait alors pour ses élèves des concours de lecture chaque mois. Ces élèves sont aujourd’hui presque tous devenus littéraires, professeur de français, de philosophie : l’accès au livre, à la lecture, à l’écriture sont autant de manière de favoriser le progrès, à travers une démocratisation de l’acte intellectuel, d’offrir d’autres horizons aux jeunes et de leur ouvrir de nouvelles portes.
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